Carrefour

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Voici notre opinion (d'auditeur) sur la fusion Carrefour Promodès.

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DESS Audit Juridique, Comptable et Fiscal

Me ADENOT

Audit des opérations de croissance externe

 

 

 

 

   &  

 

 

 

Zone de Texte: L’OPE CARREFOUR PROMODES
LA CONCENTRATION EFFICACE ?
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Dandel S.A.

Divay L.

Guichard A.

Latreille D.

Meynard E.

Janvier 2000


Sommaire

 

INTRODUCTION.. 3

I.      La fusion : moteur de la création de valeur.. 5

A.     Les conditions d’exploitation du nouveau groupe. 5

1)     Economies d’échelle externes 5

2)     Création de valeur par benchmarking de compétence. 6

B.     Position sur les marchés 8

1)     La force par rapport aux concurrents 8

2)     Le positionnement face aux fournisseurs 10

3)     Les marchés financiers 11

II.    Les obstacles à la réussite. 13

A.     La problématique interne aux deux sociétés 13

1)     Problème de l’intégration. 13

2)     Intérêt de l’actionnaire. 15

3)     Obstacles à la réussite financière. 17

B.     Les Obstacles Externes 19

1)     La Bénédiction de Bruxelles. 19

2)     Vers un Rejet par les fournisseurs et les consommateurs ?. 25

III.  Synthèse. 27

A.     Conclusion, évolution. 27

B.     Méthodologie de l’audit 28

1)     Auditer la régularité de l’opération. 28

2)     Audit de l’efficacité de l’opération. 28

 


 

     INTRODUCTION

 

Le 30 août 1999, le groupe Carrefour annonce son union avec Promodès. Cette fusion s’insère dans un marché en pleine mutation et correspond à la volonté de Carrefour de participer activement au marché mondial.

 

Le marché mondial de la distribution est contrôlé par l'Américain Wal-Mart qui devance de très loin ses concurrents, il pèse plus du double de son nouveau challenger Carrefour qui après son OPE sur Promodès se hissera à la deuxième place avec un chiffre d'affaires de 54 milliards d'Euros contre 118 milliards pour le leader.

Le marché mondial est dominé par les Américains. Parmi les dix premiers mondiaux, cinq sont américains.

Les Européens sont représentés principalement par la France (Carrefour - Promodès et Intermarché) et par l'Allemagne (Metro et Rewe). De façon générale, les Français sont peu représentés. En effet, bien qu'Intermarché soit le second français en 5ème position, il faut attendre la 21ème place pour voir apparaître Auchan, à la 22ème pour les centres Leclerc, Casino se trouvant en 31ème place.

Il faut toutefois nuancer ces chiffres en fonction du type de grande distribution. En effet, aux Etats-Unis, les grandes surfaces proposent dans un seul établissement le regroupement de magasins spécialisés comme Décathlon pour le sport, la Casa pour les affaires de la maison… mais en l’absence de produits alimentaires.

 

Dans ce marché en pleine évolution où les concentrations sont très fréquentes, Carrefour a voulu rejoindre Wal-Mart et conserver son indépendance.

 

Le désir d’alliance de Promodès avec Carrefour, peut trouver son origine dans l’échec sur Casino que le groupe a connu en 1997. En effet, le premier septembre 1997, Promodès lance une double OPA : l’une sur Rallye et l’autre sur Casino. Les motifs étaient simples : devenir le numéro un français et protéger les actionnaires contre une double imposition sur plus values par apport des titres Casino et Rallye.

 

Face à cette annonce, la réaction de Rallye ne s’est pas fait attendre. C’est à partir du 26 septembre 1997 qu’une bataille boursière débute entre les deux groupes.

Promodès souhaitait étendre ses surfaces de vente en présentant une offre cash plutôt que d’émettre des titres car il craignait une dilution de la participation des actionnaires et considérait qu’il était moins coûteux d’offrir une offre cash.

A l’inverse, la motivation de Rallye était simple puisqu’elle résidait dans le fait de contrer l’OPA tout en conservant un flottant important puisque son endettement était fort et sa surface financière trop étroite pour présenter une offre cash. La contre offre devait porter sur la totalité du capital de CASINO.

 

La réussite de Rallye fut le résultat d’une ingénierie financière complexe. En effet, le but était de convaincre les actionnaires de Casino de lui apporter son capital tout en tenant compte des contraintes de sa situation financière. De plus, l’utilisation d’instruments financiers tels que les bons de souscription d’action et les certificats de valeur garantie, lui permettait de garantir des paiements différés.

La promesse d’augmentation du capital a permis à Rallye d’augmenter son capital et ses droits de vote. De ce fait il obtenait la majorité absolue avec ceux de la famille Guichard.

 

L’offre de Rallye était moins généreuse en liquidités que Promodès, mais plus généreuse en titres. Il gagnait donc son pari puisqu’il occupait une place prépondérante parmi les actionnaires de Casino. Il est important de souligner le rôle d’un acteur essentiel au sein de cette bataille en la personne de J.C. Naouri Président de la foncière EURIS qui détient 75.3% du capital de Rallye.

 

Promodès s’est retrouvé confronté à une faible adhésion de la part des héritiers Guichard soucieux de vouloir conserver l’enseigne créée par le père fondateur.

De plus, la mauvaise évaluation des trois acteurs principaux, à savoir : J.C. Naouri, la famille Guichard (détenant 7.9 % du capital et 15.6 % des droits de vote) et les salariés de Rallye (détenant 4.8 % du capital et 1.8 % des droits de vote) a conduit Promodès à abandonner son OPA sur Casino le 27 décembre 1997.

 

Malgré ce renoncement, Promodès s’est uni avec Rallye pour augmenter ses forces et accélérer son développement international sur plusieurs marchés à fortes perspectives de croissance. La signature d’un accord a permis à Promodès d’acheter à Casino 50 % du capital de sa filiale polonaise tandis que s’est vu attribuer 50 % d’une filiale de Promodès. De plus, Casino adhère à la centrale internationale d’achat de produits non alimentaires de Promodès.

 

Mais cet échec n’aura pas pour conséquence l’abandon de Promodès à de nouvelles opérations de concentration, puisque le 30 août 1999 sera marqué par l’annonce d’une OPE amicale entre Carrefour et Promodès. Les objectifs de cette fusion : devenir numéro 2 mondial derrière le géant Wal-Mart et implanter le nouveau groupe dans le monde. Cependant, il est nécessaire de se rendre compte que la réussite de cette fusion n’est pas acquise.

Le caractère amical de cette OPE sera certes un moteur de création de valeur (objet de la première partie), mais la réussite de ce rapprochement ne sera pas sans obstacles tant au niveau interne qu’externe (objet de la deuxième partie).

 


 

 

L’offre publique d’échange annoncée le 30 août 1999 par les dirigeants des sociétés Carrefour et Promodès est la plus grande opération de concentration dans le domaine de la distribution jamais intervenue de part le monde. Elle crée le numéro deux mondial du secteur et offre un potentiel de création de valeur assez exceptionnel. Nous allons voir en quoi cette opération amicale permettra à Carrefour et à Promodès d’obtenir des nouveaux profits. Par ailleurs, le nouvel ensemble, de par sa force, pourra se positionner sur des marchés amonts et avals où les acteurs sont devenus de moins en moins bienveillants et où l’indépendance est une valeur rare.

 

A.         Les conditions d’exploitation du nouveau groupe

Le nouveau groupe va dégager de fortes synergies, celles-ci provenant principalement des gains sur achats, mais aussi des économies d’échelles internes qui peuvent naître de la réunion de deux groupes totalement complémentaires.

 

1)     Economies d’échelle externes

Avant impôts, les économies réalisées par synergies entre les deux groupes sont estimées à 7 milliards de francs pour 2002, dont 5 milliards pour l’amélioration des conditions d’achat, les gains logistiques, l’efficacité commerciale et les progressions de chiffre d’affaires réalisé au mètre carré grâce à l’alignement des magasins sur le modèle le plus performant. La réduction des coûts de communication et de marketing est estimée à 1 milliard de francs. Enfin, les frais généraux devraient être réduits de 1 milliard de francs, sans oublier la baisse considérable des frais de démarrage dans les nouveaux pays.

Les cinq milliards d’économie sur les baisses de prix d’achat s’expliquent ainsi :

*        Le nouveau distributeur, dans le cadre de ses achats, aura la possibilité d’obtenir pour un même produit le prix le plus faible qui était offert avant à l’un des deux distributeurs. Par exemple, si Danone vendait des yaourts à 30 centimes à Promodès et 35 centimes à Carrefour, il devra à présent le vendre 30 centimes à l’ensemble.

*        Par ailleurs, le volume d’achat étant nettement plus important, le distributeur aura la possibilité de demander des ristournes ou des délais de paiement plus importants.

 

2)    Création de valeur par benchmarking de compétence

Les deux sociétés sont totalement complémentaires pour ce qui est de leur façon d’exercer le métier de distributeur. Il est évident qu’une entreprise peut être plus ou moins performante sur tel ou tel secteur de son activité et dans le cas de Carrefour et Promodès cela est particulièrement vrai. Nous présenterons sommairement les sociétés avant de voir quelles peuvent être ces complémentarités.

 

(a)        Des sociétés différentes
·               Carrefour : l’innovation marketing

L'historique

L'histoire de Carrefour commence en 1963 lorsqu'elle invente un nouveau concept de commerce : l'hypermarché avec tout sous le même toit, un libre service, des prix discount et un parking!

Carrefour commence à s'implanter à l'étranger dès 1969 et se tourne vers le monde hors Europe principalement.

En 1970, l'action de Carrefour est cotée en bourse et l'histoire de Carrefour va dès lors s'accélérer : en 1976, Carrefour lance les produits libres qui en 1985 deviendront les produits Carrefour. L'enseigne Ed est lancée en 1979.

Carrefour va innover dans de nombreux domaines : en 1981, elle lance sa propre carte de paiement (carte PASS), en 1984 elle propose des contrats d'assurance, en 1991 elle se met à vendre des voyages, en 1994 Carrefour développe la billetterie de spectacle et en 1995 elle fait de l'optique et ouvre une enseigne de parapharmacie.

En 1998, Carrefour prend le contrôle de Comptoirs Modernes.

 

Le dirigeant

Daniel Bernard est sorti de HEC et a intégré un cabinet de conseil qu'il quitte rapidement pour suivre son patron et tenter sa chance à la Ruche Picarde. A 34 ans, il est recruté par le géant allemand du "cash and carry" : Metro où en 9 ans, il arrivera au directoire ce qui est une place remarquable pour un étranger. C'est à cette place, en 1992, que les actionnaires de Carrefour lui  proposent la présidence. Il va mettre dès son arrivée en pratique les techniques allemandes, avec la mise en gestion de flux tendus et le développement à l'international.

 

·                Promodès : le plus européen des distributeurs

L'historique

C'est en 1961 qu'est fondée Promodès lorsque l'entreprise familiale Halley s'allie à 6 autres grossistes normands dont la famille Duval.

En 1962, Promodès ouvre son premier supermarché.

Début 1970, l'enseigne Champion apparaît et Promodès ouvre son premier hypermarché.

En 1972 Promodès décide de changer le nom de ces hypermarchés et de les passer à l'enseigne Continent. C'est aussi cette année que l'enseigne Shopi est née.

En 1979, l'action de Promodès est introduite en bourse soit 9 ans après celle de Carrefour.

L'expansion internationale de Promodès est grande, il va surtout se tourner vers l'Europe (1985 Portugal, 1987 Italie, Grèce en 1991…).

 

Les dirigeants

Paul-Louis Halley a fait d'une petite entreprise normande de commerce de gros un des grands de la distribution. Il est rentré dans l'entreprise familiale au retour de son service militaire. En 1972, il prend la présidence du groupe. Il n'a eu de cesse dans ces 10 dernières années de faire de Promodès le plus européen des distributeurs français. Il avait, en mai dernier (1999), décidé de se retirer et avait choisi comme successeur Luc Emile Vandevelde.

 

Luc E. Vandevelde est diplômé de comptabilité, il est entré à Kraft-Jacob-Suchard en 1971 comme contrôleur de gestion à Bruxelles, en 1989 il devient vice-président finance et administration à Glenview dans l'Illinois. Il rallie Phillip Morris après que celle-ci ait pris le contrôle de Kraft et assurera la fusion de Kraft avec Général Food. Le 1er septembre 1995, Paul-Louis Halley fait appel à lui pour le seconder. Cette transmission était depuis 2 ans entrée dans les faits, la succession devait être officielle le 26 octobre 1999.

 

(b)        Des sociétés complémentaires

Carrefour est un spécialiste de la vente, du développement de chiffre d’affaires et du format hypermarché.

*        En effet, on peut s’apercevoir que Carrefour a toujours été un spécialiste de l’innovation marketing : produits, publicité, technique de vente…

*        De plus, sa stratégie a toujours été basée sur le développement du chiffre d’affaires, peu importe la marge, l’important étant de dégager du bénéfice financier sur les décalages de trésorerie, ainsi la vente a toujours été son objectif.

*        Carrefour n’a pendant de nombreuses années exploité quasi uniquement des hypermarchés et s’en est fait le spécialiste.

Promodès est plutôt spécialiste de l’achat, sait gérer tous les formats de surface de vente et intègre globalement son processus.

*        Promodès a toujours su négocier parmi les prix les plus bas. Cette spécificité vient de son origine de grossiste.

*        Pour les même raisons, Promodès a mis en place une logistique intégrée, maîtrisant tous les coûts intervenant sur l’approvisionnement et le stockage.

*        Par ailleurs, pour optimiser sa chaîne logistique, Promodès s’est diversifié dans tous les types de surfaces de ventes. De l’hypermarché au magasin de détail en passant par les grossistes pour professionnels, une seule chaîne logistique était organisée pour réduire les coûts… Aujourd’hui, Promodès est présent sur tous les formats.

 

Ainsi, compte-tenu de sa diversité, Promodès sera capable dans le cadre de nouvelles implantations, dans des pays étrangers, de mettre en place des filières d’approvisionnent et un positionnement sur toutes les gammes.

 

Cette fusion ayant un caractère amical, il est alors probable qu’elle réussisse parfaitement à tirer la quintessence du savoir-faire des deux sociétés.

 

B.         Position sur les marchés

Carrefour va profiter d’une indépendance et d’une force de frappe importante, celles-ci lui permettront de s’exprimer sur ses marchés avals, amonts mais aussi financiers.

 

1)    La force par rapport aux concurrents

(a)        Contexte hyper agressif de la distribution

Tout porte à croire que le mouvement de concentration qui anime l’épicerie française depuis près d’une décennie avec le rachat d'Euromarché par Carrefour, de Rallye par Casino, de docks de France par Auchan, et après les accords commerciaux entre Casino et Cora (Opéra) ou les synergies mises en place entre Leclerc et Système U dans le domaine des achats (Lucie), va connaître un nouveau coup d’accélérateur.

Récemment, Auchan aurait à nouveau mené des négociations avec Wal-Mart pour la reprise de ses hypermarchés. L’arrivée de Wal-Mart dans un pays est toujours un grand risque pour la concurrence établie. En Allemagne comme en Angleterre, Wal-Mart a déclenché une guerre des prix qui fait souffrir les nationaux : en Allemagne Resch, spécialiste de la grande distribution à l'Hypo Vereinsbank Research, estime que Metro, par exemple, pourrait être tenté de se séparer à terme de ses hypermarchés Real, directement touchés par l'offensive des prix de l'Américain. En Angleterre la chaîne d’hypermarché Asda ( Wal-Mart) fait souffrir le numéro un Tesco qui est obligé de s’aligner en sacrifiant ses marges.

Si la reprise des hypermarchés Auchan par Wal-Mart venait à se confirmer, il serait alors nécessaire d’être puissant. En effet, cela  permettrait à Wal-Mart de prendre le seul opérateur en dehors du nouveau Carrefour à être réellement implanté au Portugal, en Espagne et en Italie (depuis son alliance avec Rinascente) et lui ouvrir ainsi la porte sur le sud de l’Europe, empêchant du même coup les groupes d’Europe du nord (Tesco, Metro, Ahold) de revenir sur les devants de la scène européenne.

La fusion Carrefour - Promodès dans ce contexte pourrait s’avérer être un choix judicieux.

 

(b)        La force du nouvel ensemble.

En affaires, il vaut mieux précéder que suivre. En publiant les bans sans attendre, sans même prendre le temps des fiançailles, Carrefour et Promodès ont pris de court leurs concurrents. En Europe, tous sont désormais contraints de repenser entièrement leur stratégie face à cet énorme regroupement. Avec ses 8800 magasins dans 26 pays, le groupe de Daniel Bernard et Paul Louis Halley ne se contente pas de devenir le deuxième mondial et Wal-Mart mis à part, de dominer de la tête et des épaules ses compétiteurs. Le Carrefour nouveau règne sur l’Europe : 85% de ses 54 milliards d’Euros (355 milliards de Francs) de chiffre d’affaires est réalisé sur le Vieux Continent. Le numéro un français occupe le même rang ou presque, de Bruxelles à Lisbonne, de Brest à Athènes. Aucun autre distributeur ne peut se targuer d’une telle force de frappe. En retirant Promodès du marché des acquisitions, Carrefour a soustrait à l’appétit de ses grands concurrents le seul opérateur capable de donner à son repreneur les clefs de l’Europe. Sous pression depuis que l'Américain a débarqué en force sur l'ancien continent en rachetant coup sur coup en Allemagne : 21 magasins Wertauf en 1998, puis le réseau Interspar (74 magasins), Carrefour comme tous les autres distributeurs n’avait d’autre choix que de demeurer cible potentielle ou de devenir prédateur. Mais la menace que le géant américain fait planer sur l’Europe n’explique pas à elle seule les rapprochements en cours.

En effet pour rester membre du club restreint des affaires de distribution à stature mondiale, des groupes comme Carrefour, Ahold, Metro ou Promodès doivent impérativement atteindre la taille critique. La taille critique est celle qui permet à l'entreprise de rester compétitive dans son secteur. Il y a deux ans, Georges Plassat, ancien directeur général de Casino avait fait scandale en chiffrant ce seuil à 100 milliards de francs de chiffres d'affaires; aujourd'hui, l'union Carrefour - Promodès mettrait la barre 3 fois plus haute.

 

Sur ce marché des distributeurs où se joue une sorte de guerre sans pitié vient s’ajouter une spécificité française : la guerre publicitaire. En effet, on assiste depuis un an à une croisade publicitaire lancée par Carrefour, Auchan et Casino, les uns contre les autres. Il est évident que le regroupement de deux budgets publicité pour une seule marque (les supermarchés Continents deviendront Carrefour ) permettra à Carrefour de rester le plus agressif dans ce secteur.

 

Outre les synergies à l’achat, la concentration observée dans la grande distribution française est motivée par le durcissement de la législation sur les ouvertures de grandes surfaces en France qui découle de la loi Raffarin

 

Source Insee, division commerce

Il est très net que le nombre d’ouvertures de grandes surfaces a du se réduire fortement après la mise en place de la loi Raffarin, en 1996. Ceci a eu pour effet de durcir la concurrence entre les supermarchés, chacun cherchant à maximiser son profit par m² de surface de vente.

 

2)    Le positionnement face aux fournisseurs

La fusion Carrefour - Promodès a eu l’effet d’un électrochoc parmi les industriels et les agriculteurs qui tentent d’en évaluer les conséquences financières « Les calculs sont simples, constate, désabusé, un spécialiste du conseil. Il suffit d’ajouter les parts de marché des hypermarchés Leclerc-Système U et celles du nouveau Carrefour dans l’alimentaire. En deux rendez-vous avec les acheteurs, un industriel saura s’il peut continuer à exister ». Le graphique suivant résume bien la situation en France :

La Croix 07/09/1999

Mais les grands de la distribution se sont regroupés pour faire face aux grands industriels. En effet, deux phénomènes sont à prendre en compte : la force incroyable de certains industriels et les regroupements de producteurs sous toute forme que ce soit.

 

(a)        La force des grands industriels

Certaines sociétés sont devenues complètement incontournables dans les rayonnages des distributeurs. Elles peuvent donc imposer plus facilement leur prix et peser plus fortement dans les relations commerciales. Voici quelques exemples de sociétés de dimension internationale dont les distributeurs ne peuvent se passer : Nestlé, Coca-Cola, Sony, Danone, Procter & Gamble, Unilever, L’Oréal… la fusion Carrefour Promodès permettra à Carrefour de négocier d’égal à égal, au niveau international, face à ces géants.

 

(b)        Le regroupement des fournisseurs

On a pu voir trois types de regroupements ces dernières années, le but étant toujours de pouvoir contrebalancer le pouvoir des distributeurs :

*        Regroupements internes : les entreprises réorganisent toutes leurs divisions commerciales pour limiter les interlocuteurs des grandes surfaces. On a ainsi vu au sein du groupe Lactalis les zones géographiques être réunies ainsi que les gammes de produits. De moins en moins de personnes négocient la vente de plus en plus de produits différents avec les distributeurs.

*        Regroupements capitalistiques : les fusions ne sont pas uniquement présentes chez les distributeurs, les industriels ont bien compris l’intérêt des fusions, là encore la vague de concentration est très forte. Il y a toutefois une limitation pour les sociétés non cotées, en effet, celles-ci sont plus compliquées à évaluer, les actionnaires historiques n’aiment pas perdre leur pouvoir.

*        Regroupements associatifs : Une association d’industriels a dernièrement fait la une de l’actualité. Cette association regroupant une centaine d’industriels dont l’objectif est de se renforcer face aux distributeurs a récemment fait l’objet d’une procédure devant les tribunaux pour entente illicite sur l’initiative du Groupe Leclerc. Ceux-ci avaient décidé de contrer Leclerc et sa centrale d’achat en décidant, tous, de ne pas vendre certains produits. Cette association regroupe de très grands noms de l’industrie française (Danone, L’Oréal, Lactalis…).

 

Il faut signaler que ces trois types de regroupement concernent en majorité les grands industriels et quelques PME. A l’évidence, certaines PME ne sont pas concernées et seront sous peu encore plus écartées du marché.

 

3)    Les marchés financiers

Depuis le début de l’année, tout le monde supposait une entrée sur le marché français du géant Wal-Mart et Carrefour semblait être une proie idéale. C’est afin « d’échapper » à un rachat par Wal-Mart que les dirigeants de Carrefour ont étudié très sérieusement la possibilité d’un rapprochement avec un autre concurrent. Pourtant, cet argument semble très étonnant puisque Carrefour a toujours réussi à mettre en œuvre sa principale arme anti-OPA : une croissance des chiffres de ventes, des résultats sociaux et des dividendes annuels toujours plus élevée que celle du marché. Ainsi, Carrefour par la forte valorisation de son cours de bourse était difficile à acheter, il n’y avait pas de risque. Il faut croire que cette arme anti-OPA n’est aujourd’hui plus efficace et que dans le mouvement actuel de concentration, aucune société, spécialement si elle est rentable n’est à l’abri d’un rachat. Dans le cas de Carrefour, cela semblait certain puisque le capital de la société n’était pas verrouillé ; l’ensemble des analystes avançait sérieusement cette hypothèse.

Il s’agit quasiment du seul argument de Carrefour pour cette fusion, avancé non pas par les sociétés elle-même mais par l’ensemble des analystes. Il faut savoir que cette volonté émane de plusieurs catégorie de personnes :

*        Les salariés, leur position est compréhensible, un rachat étranger leur est rarement profitable.

*        Les actionnaires historiques de Carrefour qui souhaitent toujours contrôler leur société.

*        L’Etat qui a, dès son annonce approuvé cette fusion, c’est une sorte de protectionnisme rampant.

 

C’est cette volonté d’indépendance qui pouvait amener Carrefour à se rapprocher uniquement d’un groupe nettement contrôlé par des actionnaires historiques (en France : Auchan, Casino et Promodès).

 

Le nouvel ensemble est à présent autonome. Sur les marchés financiers la part de capital contrôlé est de 33,4%, ensuite, sa capitalisation boursière l’a mis pour l’instant à l’abri des appétits des autres groupes.

 

L’indépendance et la réussite de l’opération ont été assurées par un pacte d’actionnaires. Celui-ci, fut conclu entre les principaux actionnaires de Carrefour et de Promodès. Ceux de Carrefour (19,2 % du capital et 27,6% des droits de vote) s’engagent à souscrire à l’augmentation de capital nécessaire à l’OPE. Dans le même esprit, la Famille Halley et ses alliés (50,1% du capital de Promodès) s’engagent à apporter leurs titres à l’offre faite par Carrefour. Ainsi, le succès de l’opération était assuré, pour peu que la majorité des actionnaires de Carrefour soient d’accord. On connaît à présent les chiffres, 95% des actionnaires de deux sociétés ont accepté l’offre, c’est un succès.

Mais le pacte d’actionnaires prévoit d’autres dispositions. En premier lieu, celui-ci prévoit la constitution du conseil d’administration ainsi que l’organigramme général du groupe. Il engage aussi les parties à ne pas franchir les seuils de déclenchement obligatoire d’OPA (1/3 du capital). Enfin, il prévoit une obligation de réunion avant toute assemblée générale afin de déterminer une ligne commune de vote. Ce point précis n’est pas un engagement de vote car une telle disposition serait contraire à l’article 1832 du code civil, lequel prévoit pour chaque actionnaire la possibilité d’exprimer librement son vote (affectio societatis).

Il est nécessaire de préciser qu’un tel pacte d’actionnaire doit être communiqué au conseil des marchés financiers, ce qui a été fait.

 

 

 


 

 

Cette fusion, ne saurait être une réussite que par la simple décision de l’effectuer. En effet, elle ne sera une source de création de valeur qu’à partir du moment où ses dirigeants parviendront à surmonter les difficultés tant internes qu’externes. Il faut signaler que ces problèmes sont ceux que l’on peut retrouver dans n’importe quelle fusion et particulièrement dans celle-ci.

 

A.         La problématique interne aux deux sociétés

Il semble que trois types d’obstacles internes peuvent survenir dans le cadre de cette fusion : le choc de l’intégration des deux entreprises, le manque de respect de l’intérêt de l’actionnaires ainsi que certains revers dans la réussite économique et financière de l’entreprise.

 

1)    Problème de l’intégration

(a)        L'organigramme :

Le pacte d'actionnaires du 29 août 1999 a prévu la composition du conseil d'administration de Carrefour :

- il prévoit 12 membres :

·      6 désignés sur proposition des familles Defforey et Badin

·      5 désignés sur proposition du groupe familial Halley et de Finides et Partides (par l'intermédiaire de Paul-Louis Halley)

·      1 désigné par Carlos March

- il prévoit aussi la présidence de Daniel Bernard, la vice-présidence de Luc E. Vandevelde et Hervé Defforey comme Directeur Général.

 

Le nouvel organigramme a été connu le 31 août 1999, le jour même de l'annonce de l'opération publique d'échanges, il est en fait intégré à l'annonce de l'opération publique d'échanges, il s’agit là d’une obligation légale, puisque celui-ci est intégré au pacte d’actionnaires (art 356-1-4 L66).

Il fait apparaître un nombre de directeurs généraux issus de Carrefour plus important que celui de responsables issus de Promodès.

Mais l'organigramme est fait de telle sorte que 99% des salariés de Promodès auront à rapporter leurs actes à un homme de leur groupe.

Les hommes du groupe normand héritent de la direction générale France, mais son titulaire Léon Salto sera chapeauté par le "Carrefourien" Joël Saveuse (promu directeur général Europe), et la direction générale Espagne où Alphonso Merry del Val supplante Georges Plassat (ex-Casino) que Carrefour avait envoyé redresser sa filiale Pryca.

Les fidèles de Paul-Louis Halley conservent la direction du Hard Discount, confiée à l'Espagnol Javier Campo.

 

L'essentiel des directions relèvera directement de Daniel Bernard. Seules trois d'entre elles rapporteront à Luc E. Vandevelde. Il est pourtant présenté comme l'homme clé de l'intégration ; il est responsable des fonctions marchandises, organisation et système, ressources humaines qui font de lui : "le patron du chantier de fusion". C'est une responsabilité très importante car c'est d'elle que découle la réussite de la fusion.

 

Mais cet organigramme ne présente que les dirigeants des grandes fonctions et laisse dans l'ignorance de leur futur les hommes de la base. Même si le nouveau groupe Carrefour a annoncé qu’il n’y aurait aucune réduction d’effectif, les salariés ont peur du futur.

 

(b)        Le "corporate governance"

Les deux sociétés Carrefour et Promodès avaient envers leurs actionnaires le même type de gestion : le " corporate governance", l'intégration à ce sujet devrait donc se faire sans problème.

Le " corporate governance" ou le gouvernement des entreprises recouvre l'intégration des actionnaires dans la vie de l'entreprise. En d'autres termes, il correspond à une volonté de participation plus active des actionnaires qui souhaitent voir l'entreprise répondre à leurs intérêts et non à ceux des dirigeants (cadres salariés).

 

(c)         Choc des cultures

Au-delà de leur complémentarité au niveau de leur implantation à l'étranger, Carrefour et Promodès se sont développés sur des modèles différents.

 

Promodès a surtout développé ses compétences dans le domaine des achats, de la productivité et de l'efficacité logistique. Son réseau est totalement multiformat et composé pour partie de franchisés. Ses enseignes souffrent d’un manque d’image, signe d’un marketing non évolué.

A l'opposé, Carrefour est le créateur de l'hypermarché à la Française (1963), il s'est imposé comme un groupe intégré, longtemps focalisé sur un seul format de magasin possédé en propre et est passé maître dans l’art de son management ainsi que dans celui de son marketing.

Le chantier est donc d'importance, certes ils pourront s'enrichir mutuellement de leurs connaissances réciproques, mais le choc des cultures pourrait être violent.

Il pourrait être d’autant plus violent que le métier de service repose sur la dynamique humaine. De plus, sachant qu'après l'échec de l'opération publique d'achats sur Casino, les dirigeants de Promodès avaient déployé de grands efforts pour remobiliser leur effectif et avaient passé comme mot d'ordre que l'entreprise devait être maître de son propre destin. Comment les salariés de Promodès vont-ils accepter ce retournement de stratégie?

Le domaine de l'approvisionnement risque aussi d'être problématique : Carrefour ne possède pratiquement plus d'entrepôts et fait appel à des prestataires alors que Promodès a conservé une logistique intégrée. Comment vont-ils faire cohabiter ces deux systèmes?

Une autre difficulté à laquelle le nouveau groupe sera confrontée : le choix des enseignes. Il doit subsister qu'une seule enseigne par format de magasin. Certains choix s'imposent : Continent va s'effacer devant Carrefour qui est aussi la raison sociale du nouveau groupe et les discounts Ed seront remplacés par Dia. Le choix est plus incertain pour les supermarchés : Champion (Promodès) est déjà une enseigne internationale alors Stoc (Carrefour) est un succès en France. Mais en Espagne, pour les hypermarchés, il apparaît probable que les enseignes Pryca et Continente disparaîtront remplacées par Carrefour.

Mais les salariés de Promodès travaillant dans les hypermarchés Continent vont-ils accepter le changement d'enseigne si facilement? La culture d'entreprise forte de Carrefour ne risque-t-elle pas de heurter les salariés provenant de Promodès ?

 

2)    Intérêt de l’actionnaire

Il est primordial pour qu’une fusion réussisse que les actionnaires voient leurs titres correctement valorisés et leur potentiel de croissance aussi important voir plus pour le futur. Il est donc primordial de respecter l’intérêt de l’actionnaire.

Dans notre cas, il semble y avoir eu des différences de traitement dans la valorisation. De plus, le traitement des actionnaires n’est le même dans ces deux sociétés, peut-être y aura-t-il une lésion pour certains. Il faut donc voir s’il y a réellement eu une différence significative dans le traitement des actionnaires et quelles peuvent en être les conséquences.

 

(a)        Les modalités financières : la valorisation
·                   La valorisation comparée des titres (action)

 

Cours de bourse

Bénéfice
par action

Dividende par action

Le 27 août

Moyenne des 6 mois

Moyenne sur 1 an

En 1998

En 1999

Pour 1998

Promodès

700,0 €

602,0 €

585,8 €

16,14 €

6,34 €

3,00 €

Carrefour

140,3 €

123,9 €

110,0 €

3,1 €

1,15 €

0,82 €

Différence comparée

20,3%

23,3%

13,3%

15,1%

9,1%

64%

 

La différence comparée tient compte de la valorisation des titres telle que l’exprime la parité choisie : 6 actions Carrefour pour 1 Promodès.

 

On peut donc observer que les actionnaires de Promodès obtiennent une prime conséquente de plus de 20% par rapport au dernier cours de bourse.

Qui plus est, ce tableau fait aussi apparaître que la rentabilité est meilleure chez Carrefour (BPA supérieur de 9,1% en 1999, en fonction de la parité choisie), il en est de même en ce qui concerne la politique de distribution.

 

Il y a donc eu une prime en faveur des actionnaires de Promodès dans les parités choisies, peut-être existe-t-il un risque pour les actionnaires de Carrefour ?

 

(b)        Le déséquilibre

Il y a donc une valorisation supérieure de Promodès par rapport à Carrefour si l’on se base sur les cours de bourse. Ceci est flagrant sur le graphique suivant :

 

 

Le graphique en courbes (en haut) présente le cours de Carrefour en noir et le cours de Promodès en rouge avec une même base en janvier 1999.

Le graphique en bâtons (en bas) présente quant à lui les volumes de titres échangés sur le titre Carrefour.

Nous voyons donc qu’une prime a été offerte aux actionnaires de Promodès, puisque ceux-ci avaient profité d’une plus faible progression depuis le début de l’année, la valorisation choisie a permis une très forte hausse du cours. Il est donc évident que Promodès a été sur-valorisé, et corrélativement, Carrefour a été sous-valorisé.

Nous pouvons voir que depuis l’annonce et l’accord des actionnaires de deux sociétés, les cours ont suivi une évolution comparable.

 

Qui plus est nous avons vu que la politique de distribution est nettement plus favorable pour les actionnaires de Carrefour que pour ceux Promodès. Peut-être y aura-t-il une dilution dans la politique de distribution ?

 

On peut donc se demander si l’intérêt de l’actionnaire a vraiment été respecté, et si les actionnaires, devenus méfiants ne révéleraient pas l’échec de cette fusion.

 

(c)         Explication et appréciation

L’explication de ce déséquilibre tient dans le fait que Promodès au capital verrouillé était convoité par de nombreuses autres entreprises et donc en position de force pour négocier les parités. Cette prime offerte aux actionnaires était donc sans doute le « prix à payer » pour obtenir l’accord de Paul-Louis HALLEY. Tous ces désavantages ont pesé dernièrement sur le cours de Carrefour comme le montre ce graphique de comparaison avec le CAC 40.

 

 

Ce graphique montre clairement que le cours de Carrefour une fois passée l’euphorie de l’annonce de la fusion a été moins performant que le CAC 40, spécialement au mois de décembre. Il faut signaler que les risques de cession hâtive de magasins que fait peser la commission de Bruxelles, ont aussi eu un rôle très important dans cette contre-performance.

 

Si le cours n’est plus aussi performant, si Carrefour n’obtient plus la confiance des ses actionnaires (laquelle a toujours été grande), alors, la fusion est un échec. Un cours de bourse très faible risque, malgré l’importance de la capitalisation boursière, de faire peser un risque de rachat.

Par ailleurs, il faut préciser que parmi les différents prix du gouvernement d’entreprise (corporate governance) décernés en 1999 par une agence de notation, Carrefour n’a pas été lauréat (ni même dans les cinq premiers).

 

3)    Obstacles à la réussite financière

Une fusion est une réussite lorsqu’elle est créatrice de valeur pour l’actionnaire. Le PDG de Casino pour confirmer son refus de fusion avec un autre groupe, explique que selon lui dans la moitié des cas, les fusions (tout secteur confondu) ne sont pas créatrices de valeur pour l’actionnaire et sont donc des échecs.

La création de valeur peut se voir comme la différence entre les synergies dégagées et les coûts de restructuration. Mais il faut aussi tenir compte des éléments qui auraient existé s’il n’y avait pas eu de fusion et de ceux d’une concentration avec un autre concurrent.

 

Il existe un paradoxe qui veut qu’en général, plus les coûts de restructuration sont importants (jusqu’à une certaine limite) plus les synergies dégagées seront importantes. En effet, les coûts de restructuration représentent un investissement, lequel accroît la rentabilité.

Dans le cadre de l’offre publique d’échange de Carrefour sur Promodès, nous détaillerons quels coûts de fusion peuvent mettre en péril la réussite de l’opération ainsi que les synergies surévaluées ou absentes.

 

(a)        Coûts de fusion importants

Les coûts de fusions sont évalués par les deux entreprises à 1,5 Milliards de Francs. Pour autant, il est apparu qu’il risque de se poser des nombreux problèmes pour l’intégration des deux équipes. Il sera sans doute nécessaire de transporter certaines activités de Caen (siège social de Promodès) vers Paris (siège social de Carrefour) et inversement. Par ailleurs, sans qu’il y ait de licenciements, il sera nécessaire de mobiliser de nombreuses équipes sur l’étude de l’organisation nouvelle des ressources humaines, et les mutations auront un coût pour l’entreprise. Toutefois, ces coûts font partie des charges de restructurations « bonnes » telles que décrit au paragraphe précédent. Cela est vrai sauf si l’intégration ne se passe pas bien entre les équipes des deux sociétés. En effet, si tel est le cas, cela limitera les synergies d’une part, qui plus est il sera nécessaire d’investir de nouveau dans l’assimilation des équipes.

Il est donc tout à fait nécessaire de ne pas sous-estimer les coûts de réunion des deux entités, et aussi de tenir compte de leur importante propension à augmenter si de nombreux ratés interviennent.

Il existe une autre source de coût pour le nouveau groupe, lequel dépendra des décisions des autorités de communautaire. En effet, le nouveau groupe risque d’être amené à céder de nombreux magasins, en France comme à l’étranger. Pour autant, compte-tenu du contexte, on pourrait supposer qu’il y ait de nombreux acheteurs potentiels. A ce sujet, Casino et Auchan ont déjà fait part de leur intention d’acheter plusieurs supermarchés. Pour autant, ce ne sera pas à n’importe quel prix, et ce ne sera pas possible partout, nous allons prendre deux exemples. Sur la ville de Caen, il sera a priori nécessaire de céder un supermarché. Casino ne l’achètera que s’il est implanté dans quelques villes de la région (Rouen, Rennes, Le havre, Evreux…), sinon, les coûts de logistique seront trop importants. On peut aussi citer l’exemple de La Ciotat, où Carrefour a acheté son supermarché à Auchan lors de la reprise de Mammouth. Il n’est donc alors pas possible que Auchan soit acheteur, sauf modification des règles de la concurrence.

Les pertes occasionnées par ces ventes risquent donc d’être extrêmement importantes, et là encore aléatoires.

 

(b)        Synergies optimistes

Certaines des synergies détaillées en première partie semblent avoir été surévaluées, ou plutôt, s’il y a une fourchette, les chiffres supérieurs ont été retenus.

En particulier, la rébellion naissante des consommateurs, des fournisseurs et des pouvoirs publics fait peser certaines incertitudes sur la possibilité de trouver de nombreux gains dans la réunion des achats. Les industriels sauront réagir pour rester rentables et il est probable que certains aménagements législatifs viennent limiter le pouvoir des distributeurs. Pour autant, ce phénomène de refus ne semble toucher que la France et le nouveau groupe est extrêmement présent dans le monde entier.

 

B.         Les Obstacles Externes

Si la fusion entre Carrefour et Promodès, a convaincu les actionnaires des deux groupes au moment de l’annonce de l’opération, très vite des voix se sont élevées contre cette fusion : pour les uns cette concentration mène à un quasi monopole, pour d’autres ils s’agissaient d’une dérive induite par la mondialisation. Une chose est certaine les enjeux sont importants et le contexte de plus en plus hostile aux nouveaux mariés.

 

1)    La Bénédiction de Bruxelles.

Un des risques pesant sur cette opération est de nature juridique, en effet il reste une étape cruciale, celle du contrôle de la concentration. En voulant atteindre la taille leurs permettant de rester concurrentiels, les nouveaux mariés n’ont-ils pas grandi trop vite ?

C’est une question à laquelle est chargée principalement de répondre la Commission Européenne, laquelle devra dire si oui ou non le regroupement porte atteinte au libre jeu du marché. Dans un premier temps, nous étudierons les modalités du contrôle d’un point de vue procédural puis nous tenterons d’estimer les risques encourus par rapport au droit européen de la concurrence.

 

(a)        Les règles communautaires de contrôle des concentrations
·               La compétence exclusive de la commission

Le règlement CEE du 21 décembre 1989 instaure un contrôle des concentrations qui s’applique à tous les membres de l’EEE et à tous les secteurs économiques.

Ce contrôle est exercé par la Commission Européenne dés lors qu’une entreprise acquiert le contrôle lui permettant d’exercer une influence déterminante sur l’activité d’une autre entreprise. Il faut également que l’entreprise soit de dimension européenne c’est à dire que son CA mondial soit de plus de 5 Milliards € et que les entreprises réalisent individuellement dans la communauté plus de 250 millions € de CA.

La France et l’Espagne ont demandé le rapatriement du dossier afin d’examiner précisément les conséquences de l’OPE sur leurs territoires respectifs. Une demande qui s’est avérée infructueuse puisque la commission a conservé toutes ses prérogatives sur ce dossier. De plus, l’engagement d’une procédure d’examen approfondie semble inéluctable.

 

Le conseil de la concurrence pourrait faire part de ses observations à la commission, tout comme les chambres de commerce espagnoles ont pu le faire.

 

·               La procédure de contrôle des concentrations

La procédure se déroule en plusieurs phases. L’opération est d’abord notifiée. Il s’agit contrairement au système français d’un contrôle a priori. Ensuite la commission doit prendre une première position :approuver la fusion ou déclencher une procédure approfondie (dans cette optique la commission ne tranchera qu’après avoir procédé à une enquête détaillée des répercutions sur le marché de la dite fusion). Nous allons reprendre et développer ces différentes phases

 

La notification

 

La notification de la concentration doit avoir lieu dans la semaine de l’accord ou de la publication de l’offre publique.

Elle prend effet au moment de sa réception par la commission, mais dés lors qu’ elle constate que la notification est incomplète, elle demande les informations nécessaires et fixe un nouveau délai pour répondre. Ce cas de figure s’est appliqué dans notre affaire (les échos du 27 octobre), ce qui explique que la commission, déjà submergée par la vague des fusions européennes, n’envisage de prendre une première décision qu’aux alentours du 27 janvier.

 

Les conséquences de la notification sont de deux ordres :

 

-      pour les parties à l’opération, il est interdit d’effectuer l’opération envisagée (cela n’empêche pas la réalisation des échanges de titre mais les droits de vote acquis ne peuvent être utilisés qu'à l’approbation de la commission).

 

-      pour la commission, elle dispose d’un mois pour déclarer si l’opération est conforme ou pour engager la procédure. La commission aura quatre mois pour prendre sa décision définitive.

 

Les décisions possibles

 

L’autorisation est pure et simple, si la concentration ne crée pas de position dominante, la commission la déclarera compatible avec le marché commun.

 

L’autorisation peut être conditionnelle. Elle est assortie de charges destinées à assurer compatibilité  de la concentration avec le marché commun, c’est en  principe la solution choisie lorsqu’elle pose des difficultés de concurrence dans certaines localités sans pour autant conduire à l’élimination de celle-ci sur tout le marché.

On se souvient que lors du rachat de JULIUS MEINL par REWE la commission avait exigé la revente de 50% (162/329) des magasins acquis.

 

La commission pourra revenir sur sa décision si les entreprises contreviennent aux engagements pris ou lorsqu’elles ont fourni des renseignements inexacts.

 

L’interdiction de la concentration aboutit à rétablir la situation antérieure (mais cette dernière est rarement utilisée). De plus elle pose un problème grave en pratique. En effet, l’opération a déjà eu lieu, car même si en droit le contrôle doit être préalable, les entreprises ne peuvent espérer garder le secret sur l’opération si une enquête est menée. Un recours peut être exercé contre la décision, en annulation (art 173 al 2 du traité de Rome contre la décision) ou en pleine juridiction (art R 16 contre les amendes) devant le TPI, puis en appel devant la CJCE.

 

(b)       L’appréciation des risques

Après avoir envisagé le déroulement procédural du contrôle, nous allons nous consacrer à l’évaluation du risque encouru, en tenant compte des principaux critères utilisés par la commission dont nous rappellerons la teneur ci après.

·               Les critères d’appréciation de la commission

La commission apprécie la compatibilité de l’opération avec le marché commun. La création ou le renforcement d’une position dominante ne doit pas avoir pour conséquences d’entraver la « concurrence effective dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci » art R2 § 3.

 

 

Elle détermine l’étendue du marché à prendre en considération en fonction de la concurrence en présence. Pour le marché ainsi pris en considération, la concurrence qui l’anime présente des caractéristiques similaires surtout sur les prix. Compte-tenu que l’activité s’adresse aux consommateurs, que les conditions de prix et d’acteurs varient en fonction du pays dans lequel on se trouve, on peut dire sans risque que la commission se livrera à une étude de la concurrence dans chaque pays membres.

 

Dés lors elle appréciera principalement la situation au regard des indices suivants :

 

La position de la nouvelle entité sur le marché :

 

Ø    En parts de marché, (bien que ce critère ne soit pas formellement défini par un texte) on considère que la concentration est compatible si l’ensemble ne dépasse pas 25% des parts de marché.

Si ce n’est pas le cas, la commission étudie la situation en comparant les entreprises en présence sur le marché, sur les critères de :

*l’avance technologique

*du réseau de distribution

*de l’existence de gamme de produit étendue

Ø    La puissance des concurrents restants

*leurs nombres

*puissances en parts de marché et leurs ressources financières

*l’écart avec la nouvelle unité

Ø    La structure de la demande

Les consommateurs finaux ont-ils la faculté de s’approvisionner ailleurs ?

Ø    La concurrence potentielle

Des concurrents nouveaux sont-ils en mesure d’entrer sur le marché ?

 

Les principaux critères sont maintenant posés, nous allons les illustrer par deux exemples européens.

 

·               L’Espagne

Globalement le nouvel ensemble représenterait 23% du chiffre d’affaires total de la distribution alimentaire Espagnol, 35% dans certaines régions, et plus de 70% dans certaines localités (selon un rapport des chambres de commerce espagnoles envoyé à la commission).

 

Le graphique ci dessous montre que par rapport à la concurrence le groupe domine largement le territoire espagnol, 40% de parts de marché dans les grandes surfaces de plus de 400 m², contre 15% pour le second. Le rapport précité fait état de 5 années d’avance sur la concurrence, (on se souvient que c’est en utilisant le critère de l’avance sur la concurrence que la commission avait forcé l’ Allemand Rewe à se séparer de 162 magasins sur les 329 acquis à JULIUS MEINL) .

Le groupe totalisera 114 hypermarchés (58 Pryca / 56 Continente) soit plus d’un million de m² de surface de ventes. Sur le secteur des supermarchés, le groupe n’est pas un acteur trop puissant environ 300.000 m².

 

Chiffres significatifs : en termes de superficie de ventes, les deux français contrôlent 24,2 % du total, contre 9,1 % pour Eroski. Si l'on se limite aux seuls hypermarchés, Carrefour et Promodès accaparent 50,1 % du total, et 58,2 % pour les hard discount. Mais le résultat est encore plus significatif sur le plan régional. Dans sept des dix-sept communautés autonomes (régions) espagnoles, la part de marché des deux groupes français dépasse 25 % du total en termes de superficie de vente, avec un record de 33,4 % pour la communauté de Madrid. Si l'on descend au niveau local, on constate même un quasi-monopole dans certaines zones, et non des moindres, comme les grandes villes proches de Barcelone : 70 % à Manresa, 66,7 % à El Prat de Llobregat, 63,1 % à Badalona.

Toutefois, la situation sur le terrain ne serait pas aussi écrasante puisque sur ce sujet une étude (effectuée par une société de bourse au moment de la fusion) considère que 18 villes sont couvertes simultanément par Continente et Pryca cela entraînerait selon cette étude 8 à 11 cessions d’hyper. Mais le rapport des chambres de commerces espagnoles est plus pessimiste ; pour elles cela entraîne diverses conséquences négatives. Sur le plan de l'emploi d'abord : l'étude relève une évolution opposée entre le nombre d'employés par unité de vente et la taille de l'établissement. Ainsi, les établissements de plus de 2.500 mètres carrés emploient en moyenne 66 % de personnel en moins que ceux de moins de 120 mètres carrés pour un même volume de ventes. Le fait que les grandes surfaces combinent de plus en plus activités de grossiste et de détaillant, aggrave encore les effets pervers sur l'emploi. Autre conséquence funeste : la vulnérabilité des fournisseurs face aux grandes surfaces en matière de délais de paiement. Ceux-ci atteignent, dans le cas des filiales de Carrefour et Promodès, pas moins de 127 jours en Espagne, un record européen.

·               En France

Le nouveau groupe totalisera avec sa centrale d’achat 28.3% des parts de marché dans la grande distribution alimentaire (voir notre graphique page 10), on remarque que si le chiffre le place en tête des acheteurs français, là aussi la concurrence n’est pas absente, puisque le second Lucie est à 2 points. Rappelons ici que Lucie et Opéra font l’objet d’une enquête par le conseil de la concurrence sur saisine du Ministre de l’économie à propos des pratiques anticoncurrentielles visant les fournisseurs. Elles auraient imposé des ristournes sous la menace de rompre toutes relations (pratique de la corbeille des mariés).

On notera que si Carrefour passe avec succès l’épreuve de la commission, il devra veiller à ne pas enfreindre les règles concernant les relations avec ses fournisseurs, diverses évolutions législatives pour renforcer le droit de la concurrence sur les marchés amont sont prévues.

 

En comparant le Carrefour nouveau avec la concurrence sur la base des surfaces de vente par type de magasin, Carrefour devance largement ses concurrents en France sur le plan de la superficie 3,39 millions de m² de surface de vente toutes catégories confondues, (Intermarché se place deuxième avec 2,41 millions de m2 et Leclerc troisième avec 1,860 millions de m²). Carrefour détient moins d’hypers que Leclerc et moins de supermarchés qu’Intermarché.

 

Hypermarchés

surface

nombre

rang

Super Marché

surface

nombre

Carrefour/Promodès

1,94

268

1

Intermarché

2,14

1568

Leclerc

1,69

394

2

Carrefour/Promodès

1,45

1331

Auchan

1,01

118

3

Super U

0,74

521

Géant Casino

0,736

114

4

Casino

0,46

417

Intermarché

0,27

82

5

Atac :Auchan

0,38

304

Cora

0,49

57

6

Leclerc

0,19

114

 

Comme nous l’avons vu, la concurrence est présente en France mais l’examen zone de chalandise par zone de chalandise, permettra de savoir si le nouveau groupe laisse subsister une alternative pour l’acheteur.

 

Dans 48 villes, le nouveau leader français de la distribution totalise plus de 33% des surfaces commerciales alimentaires et dans 8 villes il dépasse les 50% de parts de marché.

 

Dans les 5 villes ci-après Carrefour dépasserait 50% des surfaces de vente et 50 % du CA du secteur alimentaire.

 

 

Villes

En superficie
 de vente

En CA réalisé par les grandes
 surfaces dans l’alimentaire

Chambéry

85.9%

65.34%

Bourges

81.3%

67.9%

Compiègne

78.4%

56.24%

Calais

66.3%

54.46%

La Ciotat

66%

51.34%

 

Lorsque Auchan s’est emparé des Docks De France en 1996, il fut obligé par le conseil de la concurrence de céder des magasins dans 3 villes : Strasbourg, Perpignan et La Ciotat. Au vue de la situation, ce précédant n’est pas comparable puisque la dimension n’est pas la même.

L’étude réalisée par la société de bourse fait état d’une cession forcée de 5 à 8 magasins.

 

La Commission avait levé quelques objections quant aux conséquences que pourrait induire la fusion sur les marchés français, espagnol et italien. Elle doit d'ailleurs finalement se prononcer à ce sujet le 25 janvier prochain. Mais déjà, le magazine de distribution LSA prévient aujourd'hui qu'elle devrait ce jour-là ordonner une "enquête approfondie" supplémentaire de quatre mois. Le magazine mentionne une possibilité de position dominante entraînée par la fusion dans 60-70 villes françaises, et cite également une étude des chambres de commerce et d'industrie espagnoles, selon laquelle le nouveau groupe représenterait 35% des ventes alimentaires dans certaines régions d'Espagne et même 70% dans quelques localités. Prévenant l'éventualité d'une telle enquête, les deux groupes de distribution semblent aujourd'hui vouloir montrer leur détermination en proposant de céder nombre de leurs actifs.

 

On peut s’attendre au mieux à une autorisation conditionnée de la part de la commission, le refus reste improbable car les précédents sont peu nombreux, et concernent des secteurs différents et plus concentrés encore que la distribution (Papier en Suède). Le nombre de cessions sera toutefois sans doute très important en Europe.

 

Cependant le problème ne se limite pas à l’Europe, le groupe étant mondial nous avons voulu illustrer ce fait en envisageant la situation en Argentine.

 

 

Le cas Argentin.

Le nouvel ensemble détient 47% du marché argentin de l’alimentaire, il devient également la deuxième société de ce pays.

 

Le cumul des parts de marché est écrasant, cependant le droit argentin ne connaissait les concentrations que depuis une semaine lorsque celle-ci est intervenue.

En fait, une loi soumettant les concentrations dépassant 25% d’un marché à l’accord du gouvernement avait été votée au moment de l’opération mais n’était encore promulguée.

La question de son application semble dépassée puisqu’un tribunal spécial s’est saisi de l’affaire.

 

Nous pouvons donc craindre une cession forcée de magasin, l’estimation du risque réellement encouru est délicate puisque nous savons que Carrefour ne détient que des hyper et Promodès des super et Hard discount, mais on ne connaît pas les critères argentins dont dépendra l’appréciation de la compatibilité avec la concurrence. Il est de toute façon certain que le nouveau groupe a dans ce pays une marge de négociation avec ses fournisseurs locaux sans comparaison avec ses concurrents.

 

2)    Vers un Rejet par les fournisseurs et les consommateurs ?

On a pu craindre pendant un instant que la fusion (troisième mouvement de rapprochement de l’année) ne provoque la colère des fournisseurs et que ceux-ci renversent l’opinion publique en leur faveur avec pourquoi pas un boycott des magasins Carrefour – Promodès. Il est vrai que José BOVE s’est insurgé contre cette fusion, mais surtout que de nombreux dirigeants de PME ont fait part de leurs craintes, en partie justifiées. Pour autant, comme nous l’avons dit Carrefour a très bien su faire passer son message (défense contre Wal-Mart et fierté d’avoir le numéro deux mondial en France). Il n’y a pas eu de rejet massif de la société nouvellement formée, pour autant, de nombreux journaux ont signalé le risque.

 

Pour autant, il existe une défiance général à l’égard des distributeurs en France. Le 14 janvier dernier, lors des assises de la distribution, le Premier ministre a annoncé un train de mesures visant à réprimer les dérives de la grande distribution. Il propose notamment de renforcer la surveillance et la sanction des pratiques prohibées et de donner au ministre de l'Economie et des Finances le pouvoir de se substituer aux industriels victimes de contrats abusifs. Il souhaite également la création d'une commission des pratiques commerciales. Autant de mesures qui reprennent les principales conclusions de la mission d'étude parlementaire et qui vont dans le sens de ce que demandaient les fournisseurs. Mais qui « inquiètent » les grandes enseignes de la distribution.

 


 

 

A.         Conclusion, évolution

Carrefour et Promodès ont créé le géant français de la distribution, le seul capable de tenir tête au niveau mondial à Wal-Mart. Les synergies dégagées (7 Mds F / an avt impôts) sont l’atout de ce groupe qui pourra continuer, tant que cela est possible de part le monde de s’agrandir.

Il n’y aura qu’une enseigne par type de magasins : Continent va disparaître au profit de Carrefour (les autres choix n’ont pas encore étaient arrêtés).

Il est probable que la France et l’Espagne enquêteront sur leurs propres territoires afin d’étayer le dossier qui sera tranché par la commission. L’examen sera précis puisqu’il se fera zone de chalandise par zone de chalandise.

Le cap des autorités reste donc à franchir.

 

Grâce au rapprochement, Carrefour va détenir plus du tiers des surfaces commerciales à dominante alimentaire dans 48 agglomérations. Dans 8 d’entre elles, le pourcentage dépasse même les 50 % (poids important en particulier à Chambéry et Bourges). De ce fait, les autorités communautaires vont demander à Carrefour de revendre une part importante de son parc de magasins. Ce risque de cession que fait peser la commission de Bruxelles a un rôle important dans la contre performance boursière du cours de Carrefour. La faiblesse du cours peut entraîner une perte de confiance de la part des actionnaires. Et dans ce cas la fusion, sera un échec.

 

En dehors du territoire français les craintes existent :

 

- En Espagne, les distributeurs français dominent totalement le secteur de la distribution. De plus, Carrefour et Promodès y contrôlent chacun une chaîne d’hyper. Cette union est controversée, car elle est acceptée d’une part par les actionnaires de Continente et Pryca mais réfutée d’autre part par les organisations de consommateurs et les associations de fournisseurs. Le débat sur les effets néfastes de la concentration bat son plein et l’annonce du rapprochement Carrefour / Promodès est concomitant avec celui-ci.

 

- En Argentine, le nouveau groupe aura la deuxième position derrière le groupe pétrolier YPF. De plus, le rapprochement intervient au moment où le Parlement Argentin venait d’adopter une nouvelle législation visant à freiner la concentration et à prévenir des situations de monopole. Seulement, ce texte, non encore promulgué, suscite des divergences quant à l’avenir de la fusion CARREFOUR/ Promodès. Cette union suscite également des inquiétudes auprès de la chambre argentine des fournisseurs de supermarchés.

 

 

Le nouveau groupe laisse loin derrière Auchan, Cora et Casino qui, à leur tour devront chercher des alliances pour échapper au géant américain.

De ce fait, Casino devient la cible la plus séduisante puisqu’il a réussi à sortir de son territoire pour s’implanter en Pologne, Colombie, Venezuela, Argentine et Brésil. Casino est d’autant plus séduisant Auchan doit faire face à un endettement lourd et que Cora est dans une situation difficile du fait que Carrefour détient 42 % de son capital.

Il n’en reste pas moins que Casino, Cora et Auchan deviennent les trois proies pour Wal-Mart, Ahold, Tesco et Metro dont l’appétit s’est accru depuis le mariage entre Carrefour et Promodès.

De par son ampleur, le nouveau groupe devient le concurrent direct de Wal-Mart puisqu’il peut prétendre à l’ouverture annuelle de 100 magasins. A cela Wal-Mart répond par l’annonce d’un impressionnant programme d’ouverture de magasins (de 315 à 355 magasins par an).

Le géant américain a décidé de recreuser l’écart avec son nouveau challenger.

 

L’obstacle du droit de la concurrence et la contre-performance boursière nous laissent penser que la fusion ne connaîtra peut être pas la réussite escomptée.

 

 

B.         Méthodologie de l’audit

Les différents points fondamentaux qui doivent être audités, peuvent l'être sous l'angle de la régularité ou celui de l’efficacité de l’opération.

1)    Auditer la régularité de l’opération.

*       Négociation de Promodès avec d’autres sociétés.

·     Promodès était engagé dans différentes négociations, à différents niveaux. Celles-ci ont dû être rompues, il faut donc faire attention aux éventuelles ruptures abusives, spécialement si des lettres d’intention ont été émises.

*       Régularité juridique. Montage.

De nombreux points particuliers au niveau juridique doivent être pris en compte :

·     actions d’autocontrôle, filiales cotées, filiales financières (accord de la CECI du 6 septembre 99 car Promodès détenait indirectement le contrôle de 3 sociétés de crédit).

·     outil de protection en cas d'une contre-offre (pacte d’actionnaire du 29 août un droit mutuel de préemption, déclaration du pacte au CMF).

·     droit de la concurrence inclus la préparation d’un dossier à l'intention des autorités (dans notre cas il fut envoyé incomplet).

 

2)    Audit de l’efficacité de l’opération.

*       Vitesse et précipitation.

La vitesse de réalisation de l’opération est un élément de surprise très important.

Mais la peur d’une offensive immédiate de Wal-Mart sur Carrefour n'a-t-elle pas précipitée le rapprochement de Carrefour et de Promodès ? Il semblerait, en effet, que certains points ne soient pas précisés : la stratégie opérationnelle des groupes (sièges sociaux, logistique), l'examen du droit de la concurrence en France, l'intégration sociale...

 

*       Analyse stratégique

·     resserrement du capital et indépendance : Cet objectif n’est pas tout à fait réussit, puisqu’il n’y a pas un verrouillage complet du capital. Toutefois, la capitalisation boursière du groupe est impressionnante et le groupe met en œuvre au maximum les possibilités qui lui sont offertes en rachat d’actions propres.

·     une concentration doit toujours correspondre à un mariage d’amour et non pas un mariage de raison. C’est à dire qu’il faut fusionner parce qu’on le veut, parce qu’on y croit et non pas à cause d’impératif. Ce point est délicat dans cette fusion.

*       Audit de la communication

La communication déployée par Carrefour a été remarquable dans cette OPE que ce soit :

·     au niveau de la bourse : L’OPE a été très bien vue car elle a été présentée comme créatrice de valeur.

·     au niveau de l'Etat : Celui-ci est pour le rapprochement de ces deux grands français qui permettra pour une entreprise franco-française de concurrencer le premier mondial.

·     au niveau du grand public : Carrefour a su faire passer la peur du "grand, méchant et américain" Wal-Mart. Les médias ont repris cette image et l'ont diffusée ce qui a permis à Carrefour de rallier à sa cause l'opinion publique française et l’Etat.

*       Audit social

·     le nouveau groupe avait certes déjà présenté dans l'annonce publique de l'OPE l'organigramme mais il a alors juste donné les noms des responsables des différentes directions en oubliant leurs subordonnés. Ceux-ci laissés dans l'expectative ont développé une certaine crainte vis à vis de l'OPE, crainte qu'aucune communication interne n'est venue atténuer.

 

 

Ce travail fut pour nous une source d’enrichissement et de connaissance (travail en équipe sur l’actualité), nous n’avions jamais travaillé sur de telles opérations, en particulier d’un point de vue de l’audit. Ce rapport complète la présentation orale, il offre une vision plus critique et sans doute moins technique.

Cette fusion, réaliste sur le plan économique, permet à la France de disposer d’un très grand acteur mondial du secteur, sous réserve des impacts négatifs des restructurations imposées par la commission. Elle rentre dans le cadre de ces méga-fusions internationales, celles de la nouvelle économie.

Puisque que de nouvelles informations nous ont parvenus depuis la rédaction de ce rapport nous avons décidé de l'augmenter de certaines informations.

Note d’actualisation

 

 

Deux faits importants sont intervenus depuis la rédaction et mise en page de ce rapport.

*        Le départ de Luc E. Vandevelde pour Mark & Spencer

*        La décision des autorités européennes du contrôle des concentrations.

q       La première information fut une grande surprise puisque Luc E. Vandevelde a toujours été présenté comme le dauphin de Paul Louis Halley, dont le poste de numéro du groupe Carrefour permettrait une égalité de traitement entre les deux sociétés et une intégration maîtrisée. Pour autant, il semble qu’il y ait eu mésentente ou alors que celui-ci désirait prendre une place sans supérieur hiérarchique.

 

q       La seconde information fut aussi surprenante puisque les autorités de Bruxelles ont imposé une cession forcée de la participation de Carrefour dans Cora. Cette participation est de 42%, mais Carrefour n’y exerçait aucun pouvoir, puisque les dirigeants actuels maintenaient le contrôle avec 58% des voix. En fait, il n’y avait pas en l’état actuel des participations de Carrefour un risque de concurrence déloyale. Il se pose pour Carrefour le problème de trouver un acheteur et à quel prix.

La seconde décision de Bruxelles et de soumettre l’étude du dossier aux pays concernés pour déterminer zone de chalandise par zone de chalandise les surfaces de ventes qui devront être cédées. Ainsi, la fusion Carrefour – Promodès a été acceptée par l’Europe.

 

On peut donc conclure que cette fusion est réussie sur le point particulier de la concurrence, mais cela aura un coût : cession de magasin et des 42% du capital de Cora. De plus, l’intégration des deux groupes risque d’être plus difficile que prévue compte-tenu du départ de Luc E. Vandevelde. Peut-être Paul-Louis Halley devra-t-il intervenir auprès de ses collaborateurs pour faire accepter l’idée de la prise de contrôle (amicale) de Carrefour.

 

 

 

 

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Dernière modification : 29 février 2000